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Les pieds dans la tête (9'22)

 

Propos : les sons produits par le mouvement de nos pieds sur différentes matières constituent, avec ceux de notre respiration, ceux qui nous accompagnent tout au long de notre vie et auxquels on ne fait généralement pas attention (en tout cas tant que les indices dont ils sont porteurs ne contiennent pas d'information inquiétante...), et la marche qui laisse les pensées s'envoler.
Il se trouve que j'ai toujours beaucoup marché (je n'ai jamais eu d'automobile...) et la matière des sons produits par les pas sur les surfaces naturelles des chemins ou à travers bois, à toutes les époques, a constitué une source d'enregistrements évidente et renouvelable depuis que je suis équipé de matériel mobile, c'est à dire mon premier Marantz portable à cassette et ma tête artificielle Sennheiser MKE 2002 au milieu des années 80. Les plus vieux sons de ce type qui soient utilisés ici datent du début des années 90 et ont été enregistrés sur DAT.
J'aborde cette question à l'intérieur du "propos" car c'est cette nature et cette qualité de sons qui a déterminé à la fois son existence, sa matière et sa composition.
C'est peut-être la pièce la plus "méditative" de la série et même de ma production en général, en tout cas qui présente une stabilité dans la forme comme dans le contenu que je ne pratique pas d'habitude, et qui est bien visible sur le sonogramme. Elle s'appuie évidemment sur la répétition et la relative régularité de la marche pour maintenir une attention sur la durée suivant une écriture à trois voies, cheminant d'une manière parallèle avec comme interactions quelques jeux de coïncidences plus ou moins appuyés. Ces trois voies – les pas, les résonances et la trame de clarinette, et les chuchottements – fonctionnent d'une manière assez semblable à ce qui se pratique dans les musiques populaires : la rythmique, les accords et le chant... C'est aussi une pièce qui possède un caractère un peu "dramatique", porté par la tension de la trame de clarinette et qui n'avait pas été anticipé.

Histoire : quelques-uns des sons de pas sont présents dans Scène aux champs, les résonances apparaissent dans L'horloge des anges ici-bas, et les séquences de chuchottements ont été utiisées notamment dans Jeux de constructions.

Origine des sons :
- mes pas dans différents lieux, à différentes époques, enregistrés à l'aide de différents équipements
- des phrases chuchottées en anglais récupérées sur Internet, multipliées et animées spatialement (travail réalisé pour Jeux de construction en 2013 et Les paradoxes d'une sphère tronquée en 2016)
- des résonances multiphoniques issues du travail sur Densités
- une très longue séquence tramée sur 64 canaux à partir de sons de clarinette (générée avec le plugin Texturizer 64)

Déroulement :
- rassemblement des captations de pas
- placement spatial des enregistrements stéréo au sol au centre
- placement spatial des enregistrements ambisoniques sur la périphérie
- montage temporel grossier
- ajout des séquences pré-existantes de résonances et des voix
- montage détaillé...

Compatibilités : l'importance évidente de la production des sons au niveau du sol et au centre de l'espace de diffusion rend cette pièce totalement incompatible avec les dômes (à moins d'en faire des "dômes augmentés"...) ainsi que la plupart des acousmoniums.
Il en existe cependant une version stéréophonique transaurale (NON destinée à être spatialisée !) qui illustre jusqu'où peut aller le jeu des possibles...

 

 

 Opérations

Aucun travail de transformation sur les sons ou de nouvelles séquences n'ont été réalisés. La composition a procédé essentiellement par placement spatial fixe puis par déplacements/montages temporels et ajustement des amplitudes :
- les captations de pas ont été réparties en deux catégories : stéréo et ambisonique
- les premiers sont simplement disposés d'une manière fixe en deux blocs doubles, couvrant à peu près toute la surface au centre au sol (plugins SpatLayers, 11 canaux au total, pistes 1 et 2).
- les sons ambisoniques d'ordre 2 sont décodés avec upscaling en ordre 7 sur les 47 canaux périphoniques (piste 3), les sons ambisoniques d'ordre 1 (pistes 4 et 5) étant décodés respectivement sur le "dôme moyen" et sur le petit, selon le principe du "triple décodage" également appliqué dans d'autres pièces
- dans tous les cas aucun effet de spatialisation n'est ajouté
- les résonances (voir L'horloge des anges ici-bas pour la description de leur obtention) sont utilisées comme ponctuations et soutient, elles ont un peu le rôle du paysage et sont alternativement distribuées sur la périphérie et sur l'espace complet (pistes 7 et 8)
- la trame de clarinette (piste 9) a été rallentie (x 0.47) et resserrée par montage, elle est spatialement placée de la même manière que les résonances et possède également une fonction de "paysage", mais avec un soutient de plus en plus "dramatique" à la manière d'une musique de film
- les chuchottements (pistes 6 et 7) sont placés uniquement sur le groupe central : les 32 canaux des sons sont simplement repliés ou distribués sur les 24 canaux qui composent ce petit groupe
À noter à la fin de la piste 4 que le son qui termine la pièce possède 6 canaux au lieu de, normalement, 4 : il ne s'agit pas d'un son "ambisonique", il a été enregistré avec 6 microphones discrets. Il est néanmoins "décodé" comme s'il s'agissait d'un son codé en ambisonique, ce qui produit des déphasages intéressants et assez troublants qui accentuent l'impression de l'avoir "dans la tête", l'effet dépendant malgré tout beaucoup du placement de l'auditeur.

 

 

Le petit travail de resserrement effectué sur le mixage 80 canaux pour le rendu final :